Depuis le début de la pandémie au Québec l’année dernière, Enrico Asselin a remarqué que les parcs et les espaces verts de la ville de Laval sont plus fréquentés que d'habitude par les résidents.
En tant que président du Mouvement PlantAction, organisme local qui se consacre à l’augmentation du couvert végétal dans la ville pour la santé publique et environnementale, Enrico Asselin est depuis longtemps un défenseur du reverdissement urbain. Sa mission vise notamment à sensibiliser la population aux nombreux avantages que procurent les arbres, entre autres sur la santé physique et mentale.
Mais lorsque la pandémie a frappé, des millions de personnes dans le monde se sont soudainement retrouvées coincées à l’intérieur, et l’accès aux espaces verts et aux zones extérieures sécuritaires a pris une toute nouvelle importance, estime M. Asselin.
« Notre travail consiste depuis toujours à contribuer à la lutte aux changements climatiques et à la perte de biodiversité tout en ayant un impact positif sur la santé et le bien-être des collectivités urbaines. Lorsque la COVID-19 a frappé, et que la plupart des espaces publics intérieurs ont fermé, les espaces verts extérieurs sont devenus essentiels, ce qui du même souffle a permis de mettre de l'avant l'importance du travail que nous effectuons », indique Enrico Asselin.
Dans le cadre d’un sondage réalisé en juin 2020 par les Amis des parcs – un organisme sans but lucratif canadien (OSBL) dont la mission est de soutenir et de mobiliser les intervenants du secteur des parcs et dont le Groupe Banque TD est un commanditaire fondateur – 70 % des répondants canadiens ont affirmé que leur intérêt pour les parcs et les espaces verts a augmenté pendant la COVID-19. Dans un sondage similaire, 55 % des représentants des services des parcs interrogés ont déclaré que l’utilisation des parcs avait augmenté pendant la COVID-19.
Dans le même sondage, près de deux tiers des répondants ont déclaré qu’ils avaient visité des parcs au moins plusieurs fois par semaine tout au long de la pandémie, tandis que 82 % ont déclaré que les parcs étaient devenus plus importants pour leur santé mentale pendant la COVID-19.
Le Mouvement PlantAction figure parmi une dizaine d’organismes qui coordonnent des projets de reverdissement dans de nombreuses villes du Québec, dans le cadre du projet Sous les pavés, lancé en 2018 et mené par Le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM).
Le projet vise à créer davantage d’espaces verts publics qui améliorent l'environnement ainsi que la santé des collectivités. Sous les pavés est notamment soutenu par La Promesse TD Prêts à agir, la plateforme d’entreprise citoyenne mondiale de la TD.
Une collectivité transformée, juste à temps
Pour les résidents de la Place Saint-Martin à Laval, un complexe d'habitation pour les gens à faible revenu qui héberge environ 350 familles, le projet de reverdissement Sous les pavés, coordonné localement par Enrico Asselin et le Mouvement PlantAction en 2018, n’aurait pas pu arriver à un meilleur moment.
Dans le cadre de ce projet, 55 bénévoles se sont réunis pour retirer une section de 250 mètres carrés d’asphalte et la remplacer par une dizaine d'arbres et plus de 500 plantes vivaces afin d’offrir à la collectivité une aire de jeu, un jardin fleuri et un espace de rencontre ombragé dont elle avait grand besoin.
Ce site autrefois stérile et peu attrayant, qui était dangereusement glacé en hiver et trop chaud pour être utilisé en été, est devenu un nouveau lieu de rassemblement. Depuis que le projet a été achevé, il a fourni un espace vert dont la population locale avait grand besoin, y compris pendant les longs mois d'isolement résultant des mesures de santé publique mises en place pendant la pandémie.
« Le moment ne pouvait pas être mieux choisi pour la réalisation de ce projet à Laval en 2018, souligne Enrico Asselin. La collectivité s’est retrouvée avec un jardin où les gens peuvent se détendre et sociabiliser en contemplant les fleurs, et un endroit où les enfants peuvent jouer, et ce, à un moment où ils en avaient peut-être le plus besoin. Les logements pour les gens à faible revenu sont connus pour leur accès limité aux espaces verts et sont souvent situés dans des zones densément pavées que nous ciblons. »
Cycles de l’eau et îlots de chaleur urbains
Les projets de reverdissement de Sous les pavés sont généralement choisis en fonction d’un certain nombre de critères, notamment la taille du site (en général, il doit y avoir au moins 100 mètres carrés d’asphalte à retirer à la main), la relation de l’emplacement avec l’espace public, la vulnérabilité du secteur aux répercussions des changements climatiques, ainsi que le besoin et le désir de la collectivité de maintenir l’espace vert dans l’avenir.
Au-delà des avantages pour les résidents de la Place Saint-Martin, le Mouvement PlantAction estime que les résultats du projet de dépavage permettront de détourner chaque année 250 mètres cubes d’eau des égouts.
« Au fil des décennies, nos villes ont été imperméabilisées par les routes, les trottoirs et les bâtiments construits, empêchant l’eau d’être absorbée par le sol », explique Raphaëlle Dufresne, coordinatrice de projet au Centre d’écologie urbaine de Montréal.
« Les surfaces pavées ont plusieurs conséquences négatives sur l’environnement et l’économie, notamment l’interruption du cycle naturel de l’eau, la redirection des eaux de ruissellement vers les infrastructures publiques et l’augmentation des coûts de traitement de l’eau et d’entretien des infrastructures municipales », ajoute-t-elle.
Selon Raphaëlle Dufresne, en contribuant à réduire les espaces asphaltés, Sous les pavés est un projet d’adaptation aux changements climatiques qui permet de recréer des « villes éponges » en proposant une solution de gestion durable des eaux de pluie, tout en créant des espaces verdis et en impliquant les citoyens.
« Les changements climatiques amplifient les phénomènes météorologiques extrêmes et ont des effets sur le cycle de l’eau en milieu urbain. Nous constatons déjà des précipitations plus abondantes et extrêmes au Québec, et pouvons nous attendre à ce que ce phénomène s’amplifie; nous devons donc agir maintenant. Les stratégies et mesures d’adaptation aux changements climatiques doivent être de plus en plus intégrées dans les outils de planification des municipalités afin de rendre celles-ci plus résilientes. » indique Raphaëlle Dufresne.
L’augmentation des précipitations due aux changements climatiques est accompagnée d’une hausse des températures, ce qui représente un risque important pour la santé des habitants des villes. Selon Santé Canada, les grandes surfaces sombres (routes, toits et stationnements) dans les zones urbaines peuvent transformer les villes en ce qu’on appelle des « îlots de chaleur urbains », c’est-à-dire des surfaces qui absorbent et diffusent les rayons du soleil, ce qui rend les villes plus chaudes que les zones rurales et contribue à la détérioration de la qualité de l’air.
Les citoyens luttent contre les changements climatiques
Entre 2021 et 2024, la deuxième phase du projet Sous les pavés prévoit dépaver et reverdir 18 espaces publics ou à utilisation communautaire dans 10 régions du Québec, toujours avec le soutien de la TD.
« La création de plus d’espaces verts dans les villes apporte son lot d’avantages pour l'environnement et la santé : moins d’espaces minéralisés, plus d’eau de pluie absorbée naturellement, une meilleure qualité de l’air et moins d’îlots de chaleur, pour n’en citer que quelques-uns, affirme Raphaëlle Dufresne.
Cependant, c’est l’aspect social du projet Sous les pavés qui se démarque vraiment. Grâce à cette initiative, les gens peuvent participer à la création d’espaces qui répondent à leurs véritables besoins. Elle peut mobiliser les citoyens et leur donner les moyens d’agir concrètement contre les changements climatiques grâce à sa démarche participative de déminéralisation. »
Article paru dans les Actualités TD, le 28 août 2021.